Note de l'auteure:
En repensant à mon travail de la journée et au commentaire de Martine, m'est subitement venue dans la nuit une idée de lettre imaginaire comme j'en écris de temps en temps.
Ma chère Eliette
J'ai bien reçu ta lettre. Comme je suis heureuse que ton nouveau-né tête comme un petit veau affamé , j'aurai bien aimé avoir un petiot moi aussi mais mon Marcel ( Paix à son âme) avait ...enfin...tu sais ...les sacoches vides ! J'aurai eu un ptit Marcel , tout comme son père mais avec le matériel au complet Maintenant que Marcel est parti et que je suis vieille, j'aurai eu un fils pour s'occuper de moi. Mais ça n'aurait pas été si sûr car j'ai appris que le père Antoine s'était retrouvé à l'hospice à cause de son fils unique. L'ingrat rejeton voulait récupérer la maison du vieux pour la vendre . C'est une chose faite. On a vu débarquer il y a deux mois une drôle de paroissienne, je te le dis. Le Marcel en aurait fait une crise cardiaque. La nouvelle propriétaire a un genre spécial, point de chez nous. Figures-toi ma chère Eliette que c'est une dame à la cinquantaine fringuante qui sort en cheveux dans la rue. Et quelle chevelure, d'une flamboyante rousseur dont les mèches rebelles sont retenues par ...des pinceaux!. Elle a les yeux charbonnés d'une cocotte parisienne , le teint pâle d'une phytsique mais des pommettes réhaussées de fard rouge cramoisi. Elle a la démarche ondulée d'une villotine et sourit aux passants en montrant des dents superbes. Au début, j'aurai hésité à te dire que c'est une grande dame ou à te dire que c'est une ...artiste!
Mais maintenant, je SAIS que c'est une artiste parce que nous nous sommes parlé et qu'elle m'a semblé si charmante que je l'ai invitée à prendre le café. Ce qu'elle a accepté avec joie car depuis son arrivée au village, peu de gens lui montrent quelques amabilités.
Son affublement vestimentaire peut en dérouter certains c'est vrai. On dirait une comtesse russe qui a sombré dans la folie. L'artiste superpose sur son corps épanoui des tissus de brocard chatoyant, de la laine d'alpaga, de la dentelle ancienne , et s'enveloppe dans des châles de cachemire à franges. Ses pieds sont enfermés dans des bottines à oeillets où elle glisse d'adorables rubans. L'ensemble hétéroclite et étrange me plaît cependant. Cette femme vient d'une autre planète et je n'ose plus regarder ma vilaine robe de lainage gris moucheté, mes souliers affaissés , ma figure abîmée, mes cheveux filasses. Ma vie en gris et noir contre une vie en couleurs, on peut toujours rêver!
Mais c'est justement ce qui m'arrive depuis l'aménagement de l'artiste, je rêve ...
Tu dois te demander ma chère nièce quelle est donc la spécialité artistique de ma nouvelle amie. La dame qui s'appelle Violette est sculpteur. J'ai eu la chance de visiter son atelier. Comme elle n'est arrivée que depuis deux mois, la pièce n'a pas encore l'odeur de la terre mouillée, de la poussière de plâtre, les étagères sont vides et une seule sellette est occupée. Sous un linge humide, je devine une petite forme arrondie . Je n'ose demander à l'artiste de me montrer ... Violette a surpris ma curiosité et délicatement soulève la protection. C'est un moment d'émotion , jamais de ma vie, je n'ai assisté à la naissance d'une oeuvre d'art. Violette me prévient d'une voix douce. ' Ce n'est qu'un début, une ébauche , j'ai beaucoup encore à travailler'
Mais ...ces têtes ? Oh, des galets ramassés cet été sur une plage du bout du bout du monde ...
Ma chère Eliette, ferme les yeux et imagine ...
